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Critique d’Art : Louis Porquet.
Découvrez les oeuvres de Yannick Tranquillin-Peyroux
Une atmosphère si particulière vagabonde entre ses ciels et ses peintures contemporaines…
Rien n’est plus important que de réaliser ses rêves. Parfois, pourtant, le destin vous oblige à prendre des détours. Revenant vers la peinture après de longues années de silence, Yannick TRANQUILLIN-PEYROUX ne s’est jamais senti aussi libre qu’aujourd’hui. Entre les grèves de sable et l’appel envoûtant des profondeurs marines, elle vit ce qu’elle appelle elle-même une étonnante histoire d’amour.
« En donnant tout à la peinture, je réalise mon rêve de petite fille. » C’est par ces mots que Yannick Tranquillin-peyroux nous a ouvert son atelier. Quelle surprise de revoir sur ses murs deux toiles auxquelles nous avions accordé un prix dans un salon de la région de Rouen ! En opérant ce choix, nous étions à cent lieues d’imaginer que le hasard aller nous mettre sur la route. Ce qui surprend chez cette artiste, c’est d’abord sa vitalité, son enthousiaste débordant. C’est en tout simplicité qu’elle parle de son travail : « Chacune de mes peintures représente une histoire d’amour. Se lever chaque matin en sachant que vous aurez des choses à découvrir est une expérience merveilleuse, un bonheur toujours renouvelé. Je me sens, par nature, tournée vers l’avenir. L’avenir et l’instant présent qui en est un peu le prélude. Ce que j’aime par-dessus tout réside dans la rencontre alchimique entre couleur, matière et projection imaginaire. »
Avant de s’abonner entièrement à la peinture. Yannick Tranquillin-Peyroux se consacra avec succès au domaine de l’immobilier. Attirée très jeune vers cette profession où elle connut une réussite exceptionnelle, elle éprouva un beau matin le désir de changer de vie. L’aisance matérielle dans laquelle elle avait évolué laissait poindre en elle comme un vide, une attente. Elle fit, comme on dit, un retour sur elle-même et comprit alors que sa vocation était de revenir à la peinture, pratique qu’elle avait délaissée au début de son adolescence. Entièrement autodidacte, elle ressentit impérieusement le besoin de prendre quelques cours. Elle ne fit cependant pas les choses à moitié, s’engageant pour trois ans à l’école des Beaux-Arts de Caen. Entourée des conseils de l’un de ses professeurs, une femme très impliquée dans l’art contemporain, précise-t-elle, Yannick pratiqua le dessin d’après modèle vivant.
Cet « apprentissage » accompli, elle suivit durant une année les cours du Carrousel du Louvre. « Cette étape m’aida à me structurer. Alors que ma passion d’enfant était le dessin, c’est de loin qu’aujourd’hui je préfère la peinture. Mélanger les pigments et pouvoir m’exprimer sans barrière est une pure jouissance. Je veux pouvoir, à tout moment, demeurer libre de mes mouvements et de mes désirs. Entre ma peinture et moi, les choses se passent un peu comme un concert, entre l’orchestre et le soliste. Parfois, je me bats avec elle. La peinture contemporaine peut paraître facile, notamment dans le registre abstrait. Pourtant elle ne l’est nullement. Pour mener sa recherche à bien, il faut s’immiscer dans son rêve/ c’est alors une osmose, une véritable communion entre l’œuvre et l’artiste. L’union définitive n’a lieu qu’au moment de la signature. »
Tout le monde naissant… Il nous paraît, à ce stade, utile de distinguer deux « écritures » dans la démarche de Yannick Tranquillin-Peyroux. D’un côté une peinture plutôt lisse, vaporeuse, délicate et décorative, ancrée au thème des grèves de sable, des grands envols d’oiseaux neigeux, et des ciels toujours en mouvement ; de l’autre, une quête plus intérieure, à la fois organique, stellaire et minérale, à la rencontre des trois règnes et des quatre éléments, qui évoque le silence de la vie sous-marine. C’est à cette recherche inédite que nous vouons, pour notre part, la plus vif intérêt. Le peintre y fait preuve d’une volupté et d’une inspiration qui ne semble appartenir qu’à elle. L’appel des profondeurs, l’irrésistible sensualité des royaumes coralliens, des courants jonchés d’algues brunes vous mettent l’œil et l’esprit en l’éveil. Comment dès lors ne pas se laisser glisser, emporter par le mystère de ces espaces énigmatiques ! Il y a, dans cette peinture, tout un monde naissant, tactile, prompt à vous faire oublier la vaine agitation de la surface. Un espace ou se ressourcer sans limite. Rejoignant l’univers des peintres abstraits, nous voilà, pour un temps, plongé dans une quête contemplative, soulevé par un courant d’une caressante douceur. La force d’une peinture n’est-elle pas dans sa faculté de suggérer un ailleurs, un territoire inaugural ? Nous aimons, en tout cas, cette façon particulière de convoquer l’imaginaire et de lui extirper d’ineffables secrets.
Louis Porquet – Février 2007